Lamia Magliuli : “Ce qui me touche particulièrement c’est la sincérité d’une expression”
Lamia Magliuli est la fondatrice de la Slow Galerie, une galerie d’illustration installée dans le 11e arrondissement qui recense une centaine d’artistes et un stock sans cesse renouvelé de près de 3000 œuvres. Spécialiste des images, elle porte un regard léger, sensible et bienveillant sur le monde du dessin. Elle nous a parlé, entre autres, des vertus de l’illustration, de l’importance de la sincérité et de ses projets futurs.
Vous avez ouvert la Slow Galerie en 2014. Pouvez-nous parler de ce qui vous y a mené et de ce qu’elle raconte ?
On essaie toujours de créer un lieu qui nous ressemble un peu. La galerie est dédiée aux arts graphiques et je l’ai ouverte tout simplement parce que j’aime énormément les images et que je les collectionne. L’illustration est un domaine vivant, dynamique, qui parle de notre vie à tous et qui se fait l’écho de la sensibilité des gens.
Avant la galerie j’avais un café dans lequel je programmais des expositions et des concerts. Mais plus le lieu vivait, plus sa gestion devenait incontrôlable. J’ai alors eu l’idée de créer ce nouveau lieu qui conservait le côté expositions – galerie. Dans ce lieu je voulais qu’on s’arrête, qu’on regarde les œuvres et qu’on prenne le temps de s’offrir une parenthèse dans sa journée, d’où le nom de “Slow Galerie”.
Qu’est ce qui caractérise une galerie d’illustrations ? Comment se distingue-t-elle des galeries traditionnelles ?
Chaque galerie à sa sensibilité et sa sélection qui lui sont propres. Nous avons choisi de garder le terme d’illustration pour la galerie, même si ce mot désigne plutôt les travaux de commandes, parce que cela permettait de la distinguer d’une galerie de dessins, plus conventionnelle.
Nous vendons des éditions limitées, accessibles au plus grand nombre. On veut que les gens se fassent plaisir sans enjeu économique. Cela reste des œuvres d’art précieuses, issues d’un processus de création original et imprimées en moins de 300 exemplaires.
Dans une galerie d’illustrations la gestion est différente que pour une galerie qui vend des œuvres uniques. Nous devons travailler sur du volume et faire en sorte que la proposition soit vaste. Les enjeux économiques sont différents et le public doit être séduit par notre sélection. Il faut répondre à une constante demande de nouveauté surtout à notre époque où il y a un véritable appétit d’images.
Selon vous quelles sont les qualités nécessaires pour exercer le métier de galeriste ?
Tout d’abord il faut être organisé. Il faut être capable de rester en contact avec tous les artistes au quotidien, en plus de la gestion du site et de l’organisation des expositions.
Ensuite, il faut sans cesse être en veille pour rester connecté aux jeunes talents.
Enfin, il faut aimer l’art, quels que soient ses goûts. À chaque fois qu’une nouvelle œuvre arrive à la galerie je suis fascinée de découvrir un nouveau regard pour quelque chose, une interprétation, un point de vue. Il faut être sensible et aimer ressentir les choses.
Justement, comment faites-vous pour découvrir sans cesse de nouveaux artistes ?
Tout au début, quand on a ouvert la galerie, c’est en flânant dans les nombreuses galeries d’illustrations de Berlin et de Londres. On y a découvert des artistes qui sont encore avec nous à présent.
Aujourd’hui, Instagram est notre principal outil de détection des nouveaux talents. Cela nous permet de suivre l’évolution du travail des artistes, de voir comment leurs inspirations changent, comment leurs styles s’ajustent… D’ailleurs, je m’inscris toujours aux comptes Instagram des artistes qui me soumettent leur dossier.
Quels sont les critères qui déterminent la sélection des artistes de la galerie ?
Ce qui me touche particulièrement c’est la sincérité d’une expression. Je suis aussi très sensible à la couleur et à la liberté qu’elle offre.
De fait on a beaucoup de femmes à la galerie. À mon sens, elles sont beaucoup plus volubiles en couleurs, en sujets, et produisent des œuvres éminemment poétiques, drôles ou très engagées. L’art a longtemps été un domaine réservé aux hommes et l’illustration offre un espace beaucoup plus libre dans lequel la parole des femmes peut se déployer dans toute sa créativité. C’est cette démarche spontanée, juste, où la posture est absente, qui me plaît avant tout.
Pendant cette période de confinement, comment vous êtes-vous organisés pour rester en contact avec le public ?
La fermeture a été très brutale, on aurait aimé pouvoir mieux l’anticiper. On a rapidement fait un communiqué de presse pour informer le public de notre fermeture et nous avons mis en place une remise de 20 % endossée par la galerie sur toutes les œuvres. Cela nous permet de continuer de travailler en dépit de l’impossibilité de les expédier avant la fin du confinement.
L’exposition de Jean Mallard, un très jeune et talentueux artiste dont on parlait depuis un an était malheureusement censée avoir lieu en ce moment. Le temps du confinement nous a permis de préparer une visite guidée virtuelle de ses dessins dans les rues de Naples (découvrez la visite en cliquant juste ici).
Durant cette période, préparez-vous des projets pour la suite ?
Oui ! Nous mettons en place l’exposition de Clémence Trossevin, qui travaille à la galerie et qui s’intitulera Ici l’ombre est bleue.
Nous préparons aussi une exposition collective qui réunira 40 illustrateurs à qui nous avons demandé de dessiner ce qui leur manque le plus en ce moment. Pour certains le confinement crée des frustrations et des fantasmes et c’est le moyen d’évacuer un peu ces sentiments. Tous les murs de la première pièce de la galerie seront tapissés de rêves.
En tant que galeriste, y-a-t-il un message que vous voudriez transmettre à ceux qui veulent faire de l’illustration leur métier ?
J’aimerais m’adresser aux jeunes artistes à qui l’on n’a parfois pas l’occasion de faire un retour. Techniquement tout le monde est bien équipé mais cela manque parfois de personnalité. Il ne faut pas perdre confiance, il faut croire en son talent et en sa sensibilité. Construire son propre style est difficile, surtout depuis qu’on se regarde tous les uns les autres sur les réseaux sociaux, il faut prendre le temps de le faire mûrir. Mais je suis persuadée que dès lors que l’on fait confiance à ce que l’on est, que l’on est sincère avec ce que l’on pense, ça se sent et ça finit par marcher.
Propos recueillis par Valentine De Gobbi
Plus d’informations sur la Slow Galerie ici
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